Patrick Juvet - Sonia

Il est des plaisirs coupables qu'il faut savoir assumer. Patrick Juvet en fait partie. D'aucuns diront que c'est de la soupe, de la bluette pour adolescentes seventies qui écrivent à l'encre violette des poèmes d'amour mal fichus mais Juvet, comme je l'ai déjà mentionné dans ce blog, reste un compositeur assez brillant, quoiqu'on en pense.

Sur la pochette, nous voyons un Juvet de type "estudiantin sage" avec petit pull bicolore, coiffure soignée et air poli. Le seul indice qui pourrait laisser penser à des perversions, des sauvageries et de la sexualité débridée serait cette petite chaîne en or perdue au milieu d'un torse poilu. L'air de ne pas y toucher, Juvet y touche donc, comme ses comparses de l'époque. Quelquefois, c'en est même ridicule.

Ainsi, on retrouve le brushing et les poils chez Frédéric François par exemple, avec en option le crucifix:

Crédits: wat.tv

On peut aussi citer Mike Brant, Eric Charden, Dave ou des plus obscurs comme Christian Delagrange ou Yoni. Tous ceux là ont tenté le look pattes d'eph, pantalon moule-burnes, chemise ceintrée ouverte jusqu'aux poils pubiens et chevelure digne d'une pub pour shampoings. Tous ces chanteurs ont un autre point commun, ils chantent l'amour. Ils sont romantiques et le prouvent à longueur de complainte. Sonia ne déroge pas à la règle, loin s'en faut.
Sonia est une jeune fille venant de Russie, ou d'URSS si on veut coller à l'époque. En effet, Juvet utilise un champ lexical soviético-glagla plus ou moins évident: "steppe natale", "coeur décembre" (il fait donc froid), "l'amour qui venait du froid" (on se pèle vraiment) ou encore tout le couplet où Patrick doit lui allumer un grand feu en plein été parce que décidément, il fait trop trop trop froid. Mais, attendez, elle avait pas bêtement la grippe, la Sonia?

Au delà de ces quelques problématiques thermiques, Sonia est une jolie chanson, toujours bien réalisée musicalement avec un instrument à l'arrière qui ressemble furieusement à un clavecin et une mélodie entêtante. Il faut préciser également que les paroles ne sont pas écrites par un inconnu puisqu'il s'agit de Boris Bergman, futur auteur d'Alain Bashung.
Toutefois, ne nous voilons pas la face, si je vous parle de ce 45 tours, c'est également pour aborder une face B tout à fait surprenante.

Précédemment, Patrick Juvet fut remarqué par Claude François qui lui demanda de lui écrire une chanson. Aussitôt dit, aussitôt fait, de l'esprit de notre sexy helvète naquit Le lundi au soleil. Ce titre devint un tube en 1972... pour atterrir en face B de ce 45 tours en 1973. Cette version anglaise un peu molassonne jouit d'une autre orchestration tout aussi fatiguée et d'aigüs comme personne, à part Juvet, n'en fera jamais. L'histoire change elle aussi. Cette fois, plus de lundis ensoleillés mais plutôt un besoin d'évasion aux States. C'est drôle comme cette chanson peut être vue d'ailleurs comme prémonitoire puisque la deuxième carrière de Juvet se fera aux USA à la fin des années 70.

Précisons enfin que Le lundi au soleil n'avait pas fini sa carrière pour autant. En 1977, Claude François reprendra ce titre avec une autre version anglaise collant davantage à la version originale. Elle figure sur son album blanc à lui intitulé My boy. Cette fois, la chanson s'appelle Monday Morning again, et c'est pas beaucoup mieux que cette face B.

Fiche technique:

Patrick Juvet

Sonia / I will be in L.A.

Barclay

1973

Paroles et musique:

Face A: B. Bergman / P. Juvet

Face B: F. Thomas / J.M. Rivat / P. Juvet . B. Christopher

Et la chanson: Etrangement, il est très compliqué de récupérer la vidéo de cette chanson. Au delà de vidéos cul-cul comme nous l'avions déjà vu la dernière fois que j'ai chroniqué Juvet, nous avons le droit à des réinterprétations pas terribles et même une vidéo (que je n'ai malheureusement pas pu ouvrir) où Sonia semble être jouée par... une asiatique. Alors oui, la steppe, c'est aussi l'Asie centrale; mais Sonia ça sonne moyen Asie centrale. Ici, une version très simple avec pochette de compilation et chanson.

Comments

[toutrondtoutrond]

Bonjour,



Merci de vos compliments et désolé de répondre aussi tard. Concernant Dalida, il est vrai qu'elle a masculinisé Sonia dans une chanson nommée "L'amour qui venait du froid" (précisons au passage que le titre est issu des paroles de la chanson originale). En écoutant cette version, je me dis que cette chanson ressemble sérieusement à "La Maritza" sur le refrain... Peut-être à cause de la fameuse orchestration?

[Jeepy]

Bonjour .. A noter que cette chanson a été reprise avant ou après (?) l’interprétation de Juvet par Dalida .... Où Sonia a été remplacé par Illia, avec une orchestration plus "russe " !



Ceci dit ... très sympa le blog je viens de le découvrir ... Merci pour la nostalgie et les anecdotes !