Eric Charden - Allume

Et voilà qu'Eric Charden se prend pour une allumette. C'est vrai, qu'après tout, le mec de Stone le semble, stone, sur la pochette. Auréolé d'un reflet kaléïdoscopique, le chanteur regarde au loin, comme s'il ne distinguait pas ou comme s'il ne cherchait pas à distinguer. Nous sommes en 1980 et Charden sort de son duo mythique, de son succès géant que fut L'été s'ra chaud et embraye avec ce 45 tours surprenant orchestré entre autres par l'inoxidable Didier Barbelivien qui décidément se colle à tout ce qui se passe.

Lorgnant vers les Pink Floyds, vers Queen, Eric Charden propose un OVNI sous acides en débutant avec... rien. En effet, pendant quelques secondes sur le 45 tours, c'est le silence. J'ai même cru que le disque était rayé et ne partait pas dans un premier temps. Après cet intermède reposant, il parle ensuite avec de l'écho puis une musique grandiloquente, vaguement classique enchaîne qu'une voix féminine (J'ai cru reconnaître Stone mais je me trompe certainement) demande plaintivement qui il est. La réponse ne se fait pas attendre et ne manque pas de surprendre:

"Je suis une allumette, c'est tout.
Je suis allumette, et vous?"

Euh, non, je ne suis pas une allumette, on l'est rarement d'ailleurs mais Eric, oui. Et pourquoi pas, d'ailleurs? C'est totalement bizarre, rythmé, ambitieux, disco, proche de Music de John Miles, facile du côté des rimes (Orange / étrange, rouge / bouge), délirant dans ses choeurs de l'armée rouge dévoyés. L'ensemble est un délire très bien orchestré qui se termine par cette suite troublante:

"Je suis une allumette, touche -moi.
Je suis une allumette, craque-moi."

La face B se nomme Sexy. Plus calme, l'orchestration rappelle les mélodies planantes de Patrick Juvet, au plus haut de sa carrière. Les thématiques de cette chanson sont par exemple empruntées chez Unisex ou Au jardin d'Alice. Des références en pagaille sont présentes: Electric light orchestra, la fin du monde, la drogue... Et puis, tout bascule car la norme devient ce qui ne l'est pas à l'origine (Y a des pédés [silence] des pas pédés), un mantra troublant retentit au refrain Si sexy. En résumé, c'est Sodome et Gomorrhe, c'est David Bowie démembré, c'est pas loin du génie.

Entre essai de symphonie sur la face A et planante partouze sur la face B, Eric Charden nous surprend continuellement par son inventivité et sa virtuosité. On ne retiendra certainement de lui un mec complètement givré qui finit sa carrière comme il l'avait commencé avec une Stone dont la voix est toujours aussi fausse mais la joie de vivre toujours aussi communicative. Ce fut aussi un artiste qui tenta des choses intéressantes, comme ici par exemple.

Fiche technique:

Eric Charden

Allume / Sexy

Charles Talar

1980

Paroles et musique:
Face A: D. Barbelivien / E. Charden / G. Mattéoni
Face B: E. Charden / D. Barbelivien

Et la chanson: Aux deux-Alpes, sur Antenne 2, Charden est en play back et fait face aux chasseurs alpins d'un côté, au public très familial de l'autre (dont un enfant au début qui regarde bizarre le chanteur). C'est décalé, j'aime.