Charles Aznavour - Les deux guitares

Classique parmi les classiques, Charles Aznavour n'avait pourtant pas eu les honneurs du blog des 45 tours. J'en ai pas mal de notre arménien préféré mais c'est vrai que le ton quelquefois léger, voire je l'espère impertinent de mes articles (impertinent dans le sens premier du terme, et non dans le sens Stéphane Bern sur RTL) ne m'ont pas toujours permis de trouver un angle d'entrée. Sauf qu'ici, Aznavour me le sert sur un plateau d'échecs.
C'est bizarre cette pochette qui met en avant notre Charles préféré en pleine réflexion dans une posture... étrange? Il suce son pouce de la main droite et se tient l'oreille comme le faisait Gilbert Becaud pour avoir de l'écho à l'Olympia, le tout souligné par un regard qui semble dire: "C'est pas que ça m'éclate de faire le guignol devant l'objectif, mais c'est la maison de disque qui veut une pochette intellectuelle."

Sur ce 45 tours 4 titres apparaît ce qui est certainement une des plus belles chansons d'Aznavour.Les deux guitares est une merveilleuse composition aux rythmes enlevés et tziganes. Ca parle de vin, de femmes, de nostalgie, de spleen sur fond de guitares mélancoliques. Le texte est un bijou, constatant de noirs états d'âme et des questions existentielles. Crescendo, le titre progresse jusqu'à une fin splendide: tout s'emballe, l'alcool prend le contrôle, Aznavour dérape, glisse, jouit, s'abandonne totalement dans un tourbillon de violons, et nous aussi.

Les trois autres titres sont plus ou moins sympathiques mais surtout oubliables, vaincus par la puissance du titre principal. Ce jour tant attendu propose une orchestration vieillie. Même si la chanson est toujours très écrite, comme tout ce que fait Charles Aznavour, rien de très passionnant est énoncé ici. L'ensemble se veut obscur et enigmatique mais on comprend très vite que l'auteur veut nous parler de naissance. Bien trop grandiloquent pour être touchant, la chanson s'oublie très vite.
Ensuite, Aznavour nous fixe un Rendez-vous à Brazilia. Alors, c'est vaguement brésilien mais c'est surtout très bizarre puisque l'instrumental ressemble beaucoup au thème des Gendarmes avec Louis de Funès, ce qui est déstabilisant. Le texte est plus intéressant que la précédente, plus enlevé, plus élégant.
Reste Fraternité, vague brouillon de La Bohème,  qui tombe là aussi dans le travers du grandiloquent. En observant les crédits, on découvre que c'est une adaptation d'un poème d'André Salmon (avec une faute d'orthographe puisqu'un "t" y a été ajoutée, mais bon, comme le grand public ne voit pas qui c'est...). Adaptation tout à fait inutile tant l'ensemble est lent, vieillot et semble sortir des années 40.

L'arrivée du SP (2 titres) au début des années 70 nous a offert des faces B un peu faiblardes, voire paresseuses. Ici, sur quatre titres, deux peuvent être clairement abandonnées. C'est peu surprenant, ce sont les titres les plus guimauves qui sont les moins dignes d'intérêt, pas même sur une face B, comme la bienséance le veut.

Fiche technique:

Charles Aznavour

Les deux guitares / Ce jour tant attendu / Rendez-vous à Brazillia / Fraternité

Philips

1960

Paroles et musique:

Face A1: C. Aznavour
Face A2: C. Aznavour / A. Siniavine
Face B1: C. Aznavour / G. Garaventz / C. Nicolas
Face B2: C. Aznavour / A. Salmon

Et la chanson: Que c'est beau... Et à l'Opéra Garnier, c'est encore plus impressionnant. Cette vidéo de 2008 prouve d'ailleurs que Julien Clerc, que j'ai pu voir là-bas l'année dernière, n'était pas le premier chanteur de variétés à s'y produire.