Pas envie de rire
Hier, c'était dramatique, effroyable, effarant, effrayant, démoralisant, attentatisant, terrassant. Alors forcément, je n'ai pas envie de rire..
Riss, Tignous, Charb, Cabu, Wolinski, Bernard Maris, ces deux policiers... Mais bordel... Je n'ai pas de mots. Charlie, c'est mon premier lien avec l'humour accouplé au journalisme, mon premier lien avec la liberté d'expression... Pas la pompeuse, pas la ronflante... Celle qui jouit, celle qui gaudriole... Celle qui me donne aussi l'envie d'écrire avec une plume "bête et méchante".
C'était beau, j'avais 17 ans. On est pas sérieux quand on a 17 ans... Mais putain, quelque chose est-il sérieux dans ce monde de tarés? A cette heure, je ne sais pas... Aujourd'hui, j'ai fait mon vrai métier, j'ai enseigné... J'ai, tant bien que mal, rendu hommage; comme le demandait mon proviseur préféré et ma ministre vénérée et comme j'avais envie de le faire avant qu'on m'y autorise.
A 10h, j'ai parlé longtemps, au bord de larmes (j'y suis d'ailleurs toujours, venez me rejoindre...), le débit était cahotique. Emu, bouleversé, à bout de souffle, j'ai fait mon vrai métier: j'ai évoqué Hara-Kiri, ai parlé de Renaud, ai invoqué Brassens. On ne se refait pas... mais j'ai surtout vu mes élèves émus.
Parmi eux, l'émotion vive et la détresse de jeunes musulmanes se sentant sans moyens face à cet amalgame qu'elles sentent arriver, dont elle sentent le vent du boulet. De grâce, ne soyez pas cons, évitez les amalgames. Il suffit de réfléchir un peu pour bien voir que ces deux individus n'ont rien à voir avec la religion musulmane. Tout le monde en est capable.
Je ferme les yeux depuis hier midi, je vois Cabu, je vois Wolinski, je scénarise cette scène atroce sans le vouloir. Poètes ayant pour tout arme un crayon contre abrutis à Kalachs. Les dés sont pipés, le destin est mauvais, l'ironie vient nous faire une petite visite... Depuis, je me traumatise, je somatise, ils agonisent...
Nous sommes tous Charlie. Aussi longtemps que nous le serons, la liberté d'expression existera et fera un pied de nez à ceux qui n'ont pas assez de cerveau pour comprendre que la violence n'est jamais un moyen de se faire comprendre, que les mots sont les plus belles armes, que la caricature est une façon de penser, d'ébranler, de réfléchir...
Mais bon, réfléchir, pour certains...
Gaël - www.toutrondtoutrond.canalblog.com